Depuis l'automne avec Vincent nous avions décidé de proposer un raid en étoile, c'est-à-dire avec un lieu fixe, plutôt en haute montagne pour la saison afin de proposer des courses glaciaires. Le choix fut fait de partir en Valpelline avec camp de base au refuge Prarayer, cette immense vallée au dessus d'Aoste qui finit sa course sous le col de Valpelline donnant accès à Zematt, rien de moins que ça ! Cela nous laissait aussi la possibilité de partir une nuit en refuge plus rustique, car il faut bien avouer que le refuge de Prarayer, s'il n'est accessible qu'à pied, n'est pas moins digne d'un petit hotel en altitude avec des dortoirs et chambres confortables, douches et même son petit sauna... Pour découvrir le programme réalisé cette belle semaine, rien de mieux que de laisser nos participants relater nos aventures jour par jour !
Samedi 26 avril par Rachel - Vers le col de Sereina
RDV pris tôt ce samedi à La Roche et Bonneville pour nous 9 afin de profiter de cette première journée de raid en Vallée d’Aoste ! Direction l’Italie en Traffic, passage du tunnel du Mont Blanc et premier arrêt à Saint-Rhémy-en-Bosses.

Tout le monde passe en mode ski de randonnée et se prépare sous le pont menant au Tunnel du Grand St Bernard (fermé ce jour-là). L’ambiance est joyeuse et nous partons heureux de se dégourdir les jambes. Direction Crevacol et le col de Sereina sous un soleil radieux. Quelques minutes de marche suffisent puis on chausse les skis et on monte dans la forêt de mélèzes.

Après un peu plus de 1 000 m de D+, on débouche sur un joli petit sommet (sans nom) avec une croix en haut.


La descente se fera sur une moquette de rêve.. La semaine est bien lancée !

Nous rejoignons alors Valpelline et le parking de Bionaz. Il ne nous reste plus qu’à parcourir à pieds les 4 km pour rejoindre le refuge de Prarayer. très chargés avec skis, chaussures, affaires de la semaine sur le dos.


Nous découvrons alors notre camp de base pour la semaine, ainsi que la bière locale et les repas copieux du soir !

Dimanche 27 avril par Eléa - Col de Bellatsa
Premier réveil au refuge de Prarayer, la nuit a été plus ou moins réparatrice mais la bonne humeur est au rendez-vous ce matin !
Nous partons du refuge à 8h30 officiellement, en réalité c'est plutôt 8h45 (fichu ¼ heure savoyard) ;)
On remonte pour la 1ere fois le vallon qui sera la porte d'entrée de nombreuses randos tout au long de la semaine.
Pas vraiment eu de regel cette nuit, le plafond nuageux nous laisse une neige déjà un peu ramollie à la montée et nous évite les couteaux. Premières observations de coulées d'avalanches de la semaine précédente, assez impressionnantes de par leur taille ! On va finir par s'habituer au fil de la semaine à rencontrer ces énormes tranchées de neige et de boulettes dans le bas des vallons.
Nous profitons de la montée pour repérer l'itinéraire de descente, une pente qui n'a pas encore purgé et qui suscite déjà quelques interrogations.
Le groupe trouve son rythme pour remonter les quelques 1150m de D+ qui nous mènent au col de Bellatsa, le soleil et les nuages jouant à cache-cache toute notre ascension, belle ambiance ! L'arrivée au col se fera dans le brouillard, dommage pour la vue !
Equipés pour la descente, nous partons avec un peu de visu, ouf ! La neige est excellente, on enchaine les courbes et dessinons la montagne les uns après les autres. Le nuage nous rattrape et nous resserrons les rangs pour ne pas se perdre de vue et maintenir le même cap. Passés sous le nuage, quelques 200 mètres plus bas, la neige a pris le chaud et nous cherchons l'entrée du couloir repéré plus tôt.
Arrivé à son sommet, on se questionne sur le risque de déclenchement d'une avalanche sur cette pente qui n'a encore purgé. C'est Mehdi qui possède un sac airbag qui va partir en 1er et donner le départ aux autres depuis son ilot de sécurité. Descente lourde, mais pas si mauvaise ! Tout le groupe se retrouve et nous repartons par le Vallon de départ qui nous ramène tant bien que mal jusqu'au refuge dans une neige collante !
La bière et le pique-nique en terrasse sont bien méritée l'arrivée au refuge après cette deuxième journée de ski
J3 de notre semaine de ski en étoile. Le ciel, cencé être moins nuageux aujourd’hui, devait nous permettre de faire une course un peu plus ambitieuse que la veille. Mais la montagne est une école de l’acceptation et de l’adaptabilité, et c’est dans une ambiance encore bien nébuleuse (l’adaptabilité : c’est coché) mais joyeuse (l’acceptation : coché aussi) que nous décidons de partir pour un itinéraire plus modeste.

Sophie, avec son intelligence montagnarde bien connue, avait repéré un compte-rendu de course vers une antécime des pointes de Chavacour. Le gardien Daniele Bionaz nous avait averti, nous traversons d’immenses dépôts d’avalanches de printemps. Des millions de m3 de neige encombrent les vallons de Valcornière puis Chavacour
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Du fait d’une absence de regel, nous progressons assez facilement au milieu d’énormes amas de neige mais en réalisant de nombreux détours, dans un brouillard qui parfois laisse entrevoir le soleil. Le groupe est assez silencieux car assez distandu du fait du terrain.
Soudain, au milieu de ce silence absolu si caractéristique de la montagne en hiver, au milieu de ces dépôts d’avalanches gigantesques, le petit groupe de tête s’arrête et scrute devant lui : quelque chose a bougé loin en amont. Puis nous voyons une forme se déplacer à hauteur d’homme. Vers l’aval. Assez rapidement et de manière régulière. Oui, ça semble être un skieur à la descente. Nous sommes étonnés de rencontrer quelqu’un, surtout descendant le vallon à cette heure matinale. La forme disparait derrière un monticule neigeux… puis ressurgit tout proche et nous explosons d’un rire incrédule : c’est un ballon en forme d’étoile dorée qui avance en suspension à 50cm du sol, poussé par une brise imperceptible !
Hasard ou signe du destin, il finit sa course pile dans les pieds de Léonie, qui décide de l’accrocher sur la pointe de son piolet jusqu’au retour au refuge, alors qu’elle médite sur ce que lui signifie l’univers à travers ce signe.

Le reste de la course se résume assez rapidement : arrêt dans le brouillard à la cote 3000m (il faut bien un objectif pour nous rassurer dans cet environnement indistinct entre neige et brouillard), du bon ski sur le haut avec une neige qui porte, puis pénible descente des dépôts d’avalanches dans une neige pourrie jusqu’à mi-molet, et enfin une descente pas pire au milieu des mélèzes (la neige est tout aussi pourrie, mais au moins la surface est plane et il y a de la pente)
Nous décidons ensuite d’un raccourci en traversant le large torrent juste en aval du refuge. Il n’y a pas de bonne solution pour franchir le torrent rapidement et au sec. Etant un des derniers à traverser, j’ai trouvé très intéressant d’observer les différentes techniques adoptées, probables reflets des personnalités très diverses dans le groupe (ça c’est mon côté psychanalitique, désolé !).
Elea a tout de suite choisi de quitter les chaussures, Sophie les a gardées pour sauter par-dessus un premier cours d’eau puis les a quittées ensuite. Quentin s’est d’emblée engagé dans l’eau chaussures aux pieds, et Mehdi a fait de même mais en relevant ses bas de pantalon. Léonie a fait un détour conséquent mais qui lui a permi de traverser au sec. Quand à moi, j’ai vainement tenté de construire un gué avec des pierres (c’est mon côté bâtisseur) qui ont été emportés par le courant à peine les avais-je lancées dans l’eau. C’était une abondance de créativité digne d’un exercice de team building, sans avoir à payer un coach 3000€ la journée – j’en parlerai à mon manager !


Après 2 journées dans les vallons orientés au nord, nous décidons d'explorer l'autre versant de la vallée.
l'objectif fixé est de rejoindre le mont brûlé en boucle horaire par la combe d'oren, le refuge nacamuli (déjà visité avec sophie en 2017 lors de la haute route historique), la pointe kurz, puis descente par le glacier du mont brûlé, et retour par les gorges qui démarrent à la fin du glacier.
un programme ambitieux de 15 kms, et environ 1700 m de dénivelé.
après discussion avec le gardien, nous fixons le réveil à 5h pour un départ à 6h, et un retour estimé à 14h.
la nuit a été claire, le regel a été bon, les pentes dans la montée vers nacamuli sont béton.
la première difficulté se trouve juste avant le refuge : une pente en neige dure avec un passage resserré entre 30 et 40 degrés et de nombreuses conversions à la clé.
les couteaux ne sont pas de trop et tout le monde passe sans encombre.
après nacamuli, on entame la longue remontée vers le col de collon, sans l'atteindre, puis on bifurque à droite vers la pointe kurz, qu'on atteint après plus de 5 heures d'effort et 1550 m de dénivelé.
l'arête est en bonne neige. on redescend sur la selle du glacier prêt à remonter en direction du mont brûlé.
une partie du groupe s'élance, alors que les derniers arrivent tout juste.
il est 11h35, le mont brûlé nous paraît accessible à 400 m de distance, mais les premiers nuages viennent obscurcir le ciel, et nous craignons d'être hors d'horaire pour le bas de la gorge.
nous décidons de stopper à la selle, et d'entamer la descente. la première pente est accrocheuse, et quand on arrive sur la partie plane, on retrouve une vaste zone en neige de printemps.
puis c'est la première gorge qu'on passe facilement, ensuite une zone évasée de 300 m de dénivelé, et enfin la 2e gorge, la plus technique.
elle a déjà bien fondue, et à chaque ressaut on se demande si le cours d'eau qu'on entend gronder sous nos pieds va devenir un obstacle infranchissable.
pour plus de sécurité, on se scinde en 3 sous-groupes, et on progresse à distance, grâce aux talkies.
on sort enfin de la gorge, et après quelques pas dans le cours d'eau, on récupère le fond du vallon principal à 1 km du refuge prarayer.
il ne reste plus qu'à faire un dernier effort pour rejoindre le refuge, après 1550 m de dénivelé et 8h de sortie. l'horaire est globalement respecté, même si on regrette les 30 minutes qui nous auront manqué pour aller en haut du mont brûlé. mais la pointe kurz représente déjà une belle réussite, avec une arête très esthétique qui nous donne un sentiment mérité d'achèvement. nous reviendrons une autre fois pour le mont brûlé.
Après une journée de la veille ensoleillée et bien remplie à la Punta Kurz, nous pensions difficile de faire mieux ! C’était sans compter sur le programme du jour : Objectif Château des Dames, 1600D+ au menu. Départ 6h, dans un vallon que nous connaissons désormais bien, la team avance sur un bon rythme. Pas de difficultés particulières en ce début de journée.
Les pentes se relèvent, les difficultés aussi !! En face un beau couloir vierge, à gauche la voie normale entravée d’une coulée et pas très accueillante aux premiers abords. Longue concertation et on décide de se splitter en deux. Sophie, Eléa et Mehdi vont repérer le couloir pour une potentielle descente par celui-ci et le reste de la team suit la trace « classique ». Couloir en super condition, notre descente est toute trouvée !!!
Allez un dernier effort, on remet les skis, le Cervin apparaît dans notre dos.
Le sommet n’est pas donné nous devons remettre les crampons, quelques pas de mixte et la cloche est sonnée nous avons dompté le château des dames !!!

Maintenant place à la descente avec de belles manips de cordes pour démarrer. Deux mains courantes à mettre en place pour désescalader le sommet puis on chausse les skis.
Quelques virages de chauffe et nous voilà à l’entrée du couloir repéré plus tôt. De beaux virages sautés et l’équipe s’en sort à merveille
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Plus qu’à tout redescendre pour rejoindre le long vallon de retour au refuge Prarayer où les peaux nous aiderons à nous sortir de la neige alourdis par la chaleur du jour !
Jeudi 1er mai par Quentin - Montée au refuge Aosta
C’est la première « grasse matinée » depuis un moment pour le groupe. Nul besoin de se lever trop tôt pour monter au refuge Aosta depuis Prarayer. Debout à 7h, nous nous mettons en route à 8h15 pour 8km et 800m de D+. Nous innovons et passons par un chemin un peu différent des autres jours dans la première partie du vallon, ce qui nous permet d’éviter un déchaussage sur un pont sans neige. Cependant, il nous faudra mettre les couteaux pour une petite partie, la neige ayant regelé durant la nuit sans nuages.


Avant d’atteindre la partie très plate du fond de vallon, nous chaussons les skis en mode descente. Quelques pas de patineurs puis nous renfilons les peaux pour la dernière partie. C’est sur la fin de cette partie plate que nous doublons Diego, le gardien du refuge Aosta, qui monte avec les vivres de viande dans le sac à dos. Nous proposons de l’aide mais il refuse, il garde son rythme piano et tient à porter son matériel. Les deux derniers raidillons passent à ski, le premier bien dégarni, en arrivant sur la moraine, le second déjà bien coulant, étant exposé au soleil assez tôt.
Après 4h d’effort, nous arrivons au refuge, et profitons de la vue sur le vallon et les séracs. Diego, à peine arrivé, nous sert un génépi bien mérité.
Nous passons le reste de l’après-midi sous un grand soleil, à manger des pastas, réviser les nœuds et les techniques de remontée sur corde. Le bruit des avalanches et des chutes de pierres des montagnes environnantes nous accompagne.
Lever à 5h45 au refuge d'Aosta. Pas de génépi au petit dej, mais on arrive quand mêm à décoller. On met les couteaux dès le début pour gravir les pentes raides et glacées.

On arrive sur le glacier des grandes murailles avec vu sur la dent d'Hérens. Le groupe avance sûrement.





On arrive à l'épaule de la dent d'Hérens à 3950 mètres à 10h30, avec la fonte du glacier celle-ci a diminuée de 100 mètres d'altitude.

Déçus de ne pas atteindre les 4000, nous partons direction le pied de la dent d'Hérens pour atteindre 4010 mètres !


Ça y est on l'a fait, premier 4000 du séjour, tout le monde est heureux et en forme, on profite. Un shooting photo est réalisé par Eléa avec en arrière plan le Mont Rose et le Cervin. Après presque 1h au sommet, on entamme la descente, ça n'avait pas décaillé, les premiers virage font mal aux cuisses.


Puis un peu plus bas, c'est ski plaisir sur moquette à point, tout en faisant attention aux quelques crevasses. On rejoint le refuge de Prarayer, en repotant et en reskiant le vallon que nous avons déjà fait à maintes reprises.

On arrive à 13h30. Programme de l'après-midi, manger, boire, blind test, jeu de la lune. Encore une journée sous le soleil réussie.
Retour dans la Vallée, suite et fin, par Sophie
Après une dernière soirée au refuge de Prarayer avec génépi et alcool local offert par Daniele, un des gardiens du refuge (vraiment adorable !) il était temps de rentrer le samedi matin. Le ciel est bas, gris et les sacs lourds mais les coeurs légers de cette belle semaine. Une semaine où il aura fallu optimiser les créneaux météo pour garder les belles sorties les jours de beau temps qui est vraiment venu nous récompenser !!
Une semaine très riche pour les encadrants que nous sommes, à naviguer dans des espaces parfois engagés, à partager nos expériences, à réflechir sur les meilleurs choix à prendre en terme d'itinéraires, de nivologie, sur les manip' à faire pour sécuriser nos participants, choisir les meilleures pentes pouvant allier "plaisir et sécurité". Une semaine de cohésion, de débriefings intenses, mais aussi de rires et de détente.
Nous avons (re)découvert une vallée lointaine, où le créneau pour profiter du secteur n'est pas si long (c'est mieux quand la route est ouverte jusqu'au barrage, mais quand il reste encore de la neige !! - nous étions sur le super créneau) et où il vaut mieux que le conditions nivologiques soient assez stables, étant données les purges monstrueuses que nous avons traversées... Il reste des itinéraires à découvrir par là haut - ah ah ah les Pointes d'Oren on finira par y aller !! - mais en attendant on espère que chacun est rentré des étoiles plein les yeux et comblé de sentiments positifs qui ont émané tout au long des jours. Un Big Up pour Léonie et son premier 4000 et pour vous toutes et tous qui nous portez tant. Merci